Wolfgang Amadeus Mozart — Les six quintettes à cordes - Spunicunifait (instruments historiques)
Wolfgang Amadeus Mozart — Les six quintettes à cordes - Spunicunifait (instruments historiques)
Une intégrale d’une intelligence et d’une intensité rares. Spunicunifait offre ici un Mozart incarné, dramatique et profondément humain. La texture sonore, volontairement intime, ne plaira pas à tous ; mais elle révèle un monde de nuances où chaque voix respire. Un jalon majeur pour qui veut entendre les quintettes non pas comme un appendice aux quatuors, mais comme le cœur même de la pensée mozartienne.
Alpha Classics – ALPHA1137
Note: 4,5/5
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Les six quintettes à cordes de Mozart représentent sans doute l’un des points culminants de toute la musique de chambre classique. À l’écart de la forme du quatuor, plus souvent fréquentée, le quintette avec deux altos offre à Mozart une profondeur polyphonique et une densité harmonique uniques : le second alto ne double pas, il prolonge, nuance, creuse la texture. C’est à travers ce dispositif que s’exprime une part essentielle du Mozart de la maturité : une écriture dramatique, presque orchestrale, où chaque voix conserve pourtant son indépendance.
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Les six quintettes à cordes de Mozart représentent sans doute l’un des points culminants de toute la musique de chambre classique. À l’écart de la forme du quatuor, plus souvent fréquentée, le quintette avec deux altos offre à Mozart une profondeur polyphonique et une densité harmonique uniques : le second alto ne double pas, il prolonge, nuance, creuse la texture. C’est à travers ce dispositif que s’exprime une part essentielle du Mozart de la maturité : une écriture dramatique, presque orchestrale, où chaque voix conserve pourtant son indépendance.
Les cinq derniers quintettes, écrits entre 1787 et 1791, appartiennent à la même sphère que Don Giovanni, Cosi fan tutte et La Flûte enchantée. On y retrouve le même théâtre d’ombres et de lumières, cette tension entre la gravité du drame et la grâce du chant instrumental. Le premier quintette, K. 174, composé à dix-sept ans, paraît presque une esquisse prémonitoire de cette architecture : une jeunesse encore souriante, mais déjà pénétrée de contrepoint et de lyrisme.
C’est ce corpus que le jeune ensemble Spunicunifait a choisi d’aborder dans son intégralité, sur instruments d’époque ou copies modernes, avec un engagement et une cohérence qui forcent le respect.
Dès les premières mesures du K. 174, on perçoit la signature sonore du groupe : un grain serré, une articulation nerveuse, des attaques franches, et surtout une dynamique collective d’une rare intelligence. Le discours ne s’étale jamais ; il respire, vit, répond à la pulsation intérieure de la phrase. L’équilibre entre les cinq voix est exemplaire : on entend véritablement cinq instruments converser, non pas une hiérarchie violon-centrée.
Ce qui frappe tout au long de l’intégrale, c’est la manière dont Spunicunifait fait coexister la précision stylistique de la pratique historique et une théâtralité pleinement assumée. Le quintette en ut mineur K. 406, souvent perçu comme le plus dramatique du cycle, atteint ici une intensité presque opératique : les contrastes y sont tranchés, le premier mouvement avance avec un souffle de tragédie, tandis que l’Andante s’abandonne à une tendresse désolée, d’un équilibre parfait entre douleur et chant.
Le quintette en do majeur K. 515 prend des allures de vaste fresque : les tempos rapides, un rien allégés, laissent respirer le contrepoint, mais certains auditeurs regretteront peut-être un certain empressement dans le développement. On sent ici la jeunesse de l’ensemble : la volonté de ne jamais alourdir, quitte à perdre une part de solennité. À l’inverse, le quintette en sol mineur K. 516, sommet de lyrisme désespéré, trouve un ton d’une justesse bouleversante : introduction lente d’une pudeur absolue, puis passage à l’allegro d’une énergie presque cathartique. Le contraste est maîtrisé avec une élégance rare.
Dans les œuvres tardives — K. 593 et K. 614 —, Spunicunifait impose une vitalité lumineuse. Le ré majeur final, souvent traité comme un divertissement, retrouve ici la clarté d’un adieu : le dernier mouvement, nerveux mais jamais précipité, dévoile un Mozart à la fois joueur et conscient de la fin. L’écriture motivique, remarquablement unifiée, respire dans une transparence idéale pour ce répertoire.
L’utilisation d’instruments historiques confère à l’ensemble une couleur immédiatement identifiable : timbres mordorés, attaque souple, vibrato parcimonieux, registre grave légèrement voilé. Les cordes dialoguent dans un spectre sonore plus étroit, mais infiniment plus nuancé : les harmoniques des altos et la sonorité mate du violoncelle donnent à la polyphonie un relief organique.
La prise de son, très rapprochée, enveloppe l’auditeur dans une bulle chambriste ; on perçoit la résine, le frottement, le souffle des archets. Ce choix esthétique favorise la chaleur et l’unité, mais réduit un peu l’aération : les plans se superposent plus qu’ils ne s’étagent. Les amateurs d’ampleur symphonique pourront trouver l’image trop resserrée ; en revanche, ceux qui aiment la sensation de proximité physique avec les instruments seront comblés.
Les nuances dynamiques sont d’une subtilité constante. Les pianissimi respirent sans mollesse, les crescendi se construisent avec une tension interne, presque vocale. Dans les mouvements lents, notamment l’Adagio ma non troppo du K. 516, la souplesse du phrasé évoque Schubert ; on y entend un Mozart déjà tourné vers le romantisme, mais encore maître d’une rhétorique classique.
Spunicunifait ne cherche pas la perfection lisse : les attaques sont parfois rugueuses, les accents tranchés, et certains glissandi ou portamenti viennent ponctuer le discours avec un naturel désarmant. Ces libertés, toujours justifiées musicalement, replacent Mozart dans son époque : un art de la parole plus que du poli. La cohésion du groupe empêche toute affectation ; même les effets les plus marqués semblent surgir de la logique interne du texte.
La continuité du geste sur les trois disques force l’admiration : chaque quintette garde son identité propre, mais tous partagent une tension dramatique commune. La lumière du K. 593 répond à l’ombre du K. 516, la souplesse du K. 515 équilibre la gravité du K. 406. L’écoute intégrale devient une expérience : celle d’un théâtre instrumental en six actes.
Une nouvelle référence
L’entreprise de Spunicunifait surpasse bien des intégrales plus anciennes par la cohérence de son propos. Elle allie la rigueur musicologique à un engagement expressif rare. Là où d’autres formations privilégient la brillance ou la perfection d’ensemble, celle-ci fait le choix du discours : un Mozart parlé, incarné, humain.
L’enregistrement s’impose ainsi comme une référence sur instruments historiques : moins hiératique que les lectures pionnières, plus libre et dramatique, plus chambriste que symphonique. Il redonne aux quintettes leur statut de chefs-d’œuvre vivants, non de monuments figés.
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