Jean-Marie Leclair : Intégrale des Concertos pour Violon - Stéphanie-Marie Degand, La Diane Française

Jean-Marie Leclair : Intégrale des Concertos pour Violon - Stéphanie-Marie Degand, La Diane Française

Une leçon d’interprétation, une révélation du génie français des Lumières, et, sans doute, l’un des plus beaux coffrets baroques de ces dernières années.















NoMadMusic NMM122
Note: 5/5



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On attendait depuis longtemps une intégrale des concertos pour violon de Jean-Marie Leclair qui soit à la hauteur de leur raffinement et de leur virtuosité. Après quelques volumes marquants ces dernières années — notamment ceux de Leila Schayegh — Stéphanie-Marie Degand et son ensemble La Diane Française signent ici non seulement une référence interprétative, mais un manifeste esthétique sur ce que peut être aujourd’hui la lecture du grand violon français du XVIIIᵉ siècle.
Une écriture entre audace italienne et élégance française

Les concertos des Opus 7 (1737) et Opus 10 (1744) forment un corpus d’une rare richesse : Leclair y synthétise l’élan expressif et la virtuosité flamboyante de l’école italienne, héritée de son maître Somis, avec la rigueur formelle et le goût de la clarté chers à l’esprit français. La structure vivaldienne (vif–lent–vif) sert de point de départ, mais l’écriture s’y affranchit de tout académisme. Derrière le vernis galant, on perçoit une tension dramatique, presque préromantique, qui semble anticiper les tourments de la génération suivante.

Degand capte cette ambivalence avec un sens dramatique fascinant : l’énergie qu’elle insuffle aux mouvements vifs est canalisée, maîtrisée, jamais grisée par la virtuosité. Son archet souple et nerveux épouse les moindres inflexions du discours. L’Allegro de l’Opus 10 n°5, par exemple, impressionne par sa montée en tension millimétrée, tandis que le Largo de l’Opus 7 n°5 s’épanouit comme une aria sans paroles, d’une mélancolie suspendue.
Le violoniste poète et l’alchimie d’ensemble

La réussite de cet enregistrement repose sur une alchimie rare entre la soliste et son orchestre. Degand, à la fois violoniste et cheffe, dirige du violon un effectif restreint (trois violons, alto, violoncelle, contrebasse, clavecin), dont l’équilibre et la réactivité sont exemplaires. La Diane Française respire littéralement avec elle, dans un dialogue d’une intimité remarquable. Le son est lumineux, jamais massif ; les timbres s’entremêlent avec une transparence chambriste qui rappelle la souplesse d’un orchestre de Mannheim.

La violoniste y déploie une sonorité nourrie, chaude, sensuelle, mais sans ostentation. Chaque nuance semble pensée, respirée. Sa lecture conjugue la clarté française des lignes, la volupté italienne du phrasé et une densité contrapuntique d’une précision nordique. Aucun trait n’est forcé, aucune cadence ne devient démonstrative : tout semble aller de soi, dans une fluidité exemplaire.

L’Adagio de l’Opus 7 n°2 est un sommet : la ligne se déroule avec une intensité intérieure qui rappelle les plus beaux moments de Rameau ou de Locatelli. Degand parvient à rendre palpable la tension expressive sans jamais rompre le fil de la mesure.
Leclair, l’orfèvre du violon enfin révélé

Cette intégrale rend justice à un compositeur trop souvent réduit à son destin tragique — assassiné à Paris en 1764 dans des circonstances jamais élucidées. Leclair fut pourtant, pour le violon, ce que Rameau fut pour le clavecin : un orfèvre du geste instrumental, un inventeur de couleurs et de formes. Ses concertos exigent à la fois sang-froid et abandon, virtuosité et pudeur — un équilibre que Degand atteint avec une aisance confondante.

Elle parvient à traduire ce qui, chez Leclair, unit la danse et la parole, la grâce et la tension. Les multiples bifurcations de l’Allegro de l’Opus 10 n°6 ou l’assurance tranquille de l’Allegro moderato de l’Opus 10 n°3 montrent une interprète en totale possession de son art, capable de transformer la virtuosité en éloquence pure.
Une prise de son exemplaire

La prise de son, signée Valentin Duc-Maugé et Hannelore Guittet, mérite d’être saluée : captée de près, elle offre un spectre orchestral détaillé et une image large, d’une homogénéité exemplaire. Le violon soliste se fond dans la texture sans jamais dominer. L’équilibre est d’une justesse rare : on entend la respiration des musiciens, la résonance du clavecin, la densité des cordes graves.
Une nouvelle référence

Il est peu fréquent qu’une intégrale s’impose d’emblée comme un jalon. Celle-ci le fait par son intelligence du style, son intensité dramatique et la cohérence de son approche. Là où d’autres lectures se contentaient de la perfection formelle, Degand ose la chair, le risque, l’émotion. Elle rend à Leclair sa dimension de poète et d’aventurier du violon.

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