Arnold Schoenberg - Kirill Petrenko - Berliner Philharmoniker - Verklärte Nacht op. 4, Kammersymphonie n°1 op. 9, Variations pour orchestre op. 31, Concerto pour violon op. 36, Die Jakobsleiter
Arnold Schoenberg - Kirill Petrenko - Berliner Philharmoniker - Verklärte Nacht op. 4, Kammersymphonie n°1 op. 9, Variations pour orchestre op. 31, Concerto pour violon op. 36, Die Jakobsleiter
Une réalisation d’une ampleur exceptionnelle, intellectuellement souveraine, émotionnellement bouleversante. Si la perfection plastique des Berliner frôle parfois l’abstraction, l’intensité et la cohérence de la vision imposent ce coffret comme une pierre angulaire de la discographie schoenbergienne du XXIᵉ siècle.
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À l’occasion du cent-cinquantenaire de la naissance d’Arnold Schoenberg, Kirill Petrenko offre à Berlin une intégrale d’une cohérence exemplaire : cinq jalons de la trajectoire du compositeur, de l’épanouissement post-wagnérien à la tension spirituelle de la maturité.
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À l’occasion du cent-cinquantenaire de la naissance d’Arnold Schoenberg, Kirill Petrenko offre à Berlin une intégrale d’une cohérence exemplaire : cinq jalons de la trajectoire du compositeur, de l’épanouissement post-wagnérien à la tension spirituelle de la maturité.
Dès les premières mesures de Verklärte Nacht, l’intention du chef est manifeste : rendre audible l’architecture sous la densité. Les cordes de la Philharmonie n’ont jamais paru aussi diaphanes. Petrenko, loin de la fusion charnelle qu’avait privilégiée Karajan, joue sur les couches de transparence, révélant une dramaturgie faite d’irisations et de rémissions. Le poème symphonique devient ici théâtre intérieur : la lumière ne résout pas la nuit, elle la transfigure par analyse. Les climats se succèdent avec une tension millimétrée, la chaleur du timbre restant constamment au service d’une clarté de construction qui rend cette version plus psychologique que sensuelle.
Dans la Symphonie de chambre n° 1, Petrenko ne cherche pas la géométrie : il révèle la vigueur organique d’un Schoenberg encore hanté par Mahler. La pâte orchestrale, d’une plasticité impressionnante, ne cède jamais à la sécheresse.
Chaque motif s’élance comme une cellule en croissance, et la direction donne l’illusion d’un mouvement perpétuel. L’œuvre, souvent jouée comme un exercice d’architecture, retrouve ici son caractère de manifeste vitaliste : la modernité y est pulsation avant d’être système.
Le chef parvient à concilier la densité contrapuntique et une respiration dramatique continue — on pense à un organisme vivant plutôt qu’à une mécanique savante.
Petrenko aborde les Variations pour orchestre avec la conscience historique de diriger la phalange qui les créa en 1928. Mais il ne s’enferme pas dans une reconstitution.
L’attaque des cuivres, la netteté des bois, la résonance des timbales donnent à cette lecture un profil de granit, animé de l’intérieur par une énergie presque mahlérienne.
Là où certains chefs privilégient la froideur analytique, Petrenko restitue la logique dodécaphonique comme un langage expressif : la série n’est plus un carcan, mais un vecteur de tension.
Le thème initial respire, se déforme, se réinvente ; chaque variation ajoute un palier d’intensité. La conclusion, d’une clarté fulgurante, affirme une modernité ardente, habitée, jamais cérébrale.
Patricia Kopatchinskaja, complice idéale de cette esthétique du risque, aborde le Concerto de 1936 comme une épreuve initiatique. Son jeu tranche avec la perfection lisse de certaines versions précédentes : le son n’est jamais poli, mais griffé, tendu, charnel.
Elle en fait un cri, une danse d’équilibriste sur la dissonance, un véritable « Pierrot lunaire de l’archet ».
Petrenko l’accompagne avec une somptuosité de velours : l’orchestre respire, enveloppe, soutient sans jamais écraser.
La virtuosité s’efface devant le sens : derrière chaque intervalle abrupt, on perçoit la nostalgie d’un monde perdu.
Ce contraste entre le tranchant du violon et la plénitude orchestrale atteint une intensité presque métaphysique dans le mouvement lent, où la douleur devient lumière.
Point culminant du coffret, L’Échelle de Jacob demeure l’une des partitions les plus énigmatiques du XXᵉ siècle. Schoenberg n’en laissa qu’un oratorio inachevé, mais suffisant pour livrer sa vision d’une humanité en quête d’élévation.
Petrenko en fait un drame mystique d’une densité saisissante : les plans sonores, réglés avec une précision d’orfèvre, alternent apocalypses chorales et silences suspendus.
Le Chœur de la Radio de Berlin, chauffé à blanc, déploie une clarté polyphonique exemplaire, et la distribution vocale, homogène jusqu’à l’excès, remplace la hiérarchie des caractères par une fusion collective.
C’est moins une lecture « religieuse » qu’une traversée métaphysique : Petrenko met en tension l’angoisse et la révélation, le verbe et le souffle.
Ce qui fascine tout au long du coffret, c’est la capacité du chef à maintenir la transparence dans la complexité.
Petrenko refuse la monumentalité pesante : il cherche la cohérence organique.
Les Berliner, à son image, jouent avec une exactitude presque surnaturelle, mais sans froideur.
Chaque attaque semble pensée pour révéler la ligne sous-jacente ; chaque résonance sert un dessein dramatique.
Le rapport entre précision rythmique et flux émotionnel atteint ici un équilibre rarissime — un mariage de la chair et de l’esprit que peu de chefs, depuis Boulez, ont su recréer avec cette intensité.
Capté sur plusieurs années à la Philharmonie de Berlin, l’ensemble bénéficie d’une ingénierie sonore d’une lisibilité exemplaire.
Les timbres sont lumineux, les plans verticaux parfaitement hiérarchisés ; la version Blu-ray ajoute une spatialisation qui magnifie la plasticité orchestrale.
La restitution du grave, profonde sans lourdeur, sert magnifiquement la pâte des cordes berlinoises et la présence physique des vents.
C’est un disque qui s’écoute autant qu’il s’observe : le son y devient matière vivante.

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