Pompeo Magno - Francesco Cavalli - Bayreuth Baroque Opera Festival - 12 Septembre 2025

Pompeo Magno  - Francesco Cavalli - Bayreuth Baroque Opera Festival - 12 Septembre 2025

Un événement baroque d’exception, alliant rigueur musicologique et flamboyance théâtrale, qui révèle toute la vitalité du Cavalli tardif et confirme Bayreuth comme l’un des foyers majeurs de la renaissance baroque actuelle.










Bayreuth Baroque Opera Festival
Opera des Margraves, Bayreuth
12 Septembre 2025
Note: 4,5/5


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Cavalli retrouvé : Pompeo Magno illumine Bayreuth

Le Festival baroque de Bayreuth a frappé fort cette saison en ressuscitant Pompeo Magno de Francesco Cavalli, ultime opéra créé du vivant du maître vénitien en 1666. L’ouvrage, rarement donné, trouve ici une relecture magistrale portée par Max Emanuel Cencic, qui signe à la fois la mise en scène et l’incarnation du rôle-titre, entouré de Leonardo García-Alarcón et de sa Cappella Mediterranea.

Le livret de Nicolò Minato est l’un de ces entrelacs typiques de l’opéra vénitien de la maturité : amours contrariées, revirements incessants, rivalités politiques entre Pompée, César et Mithridate, le tout traversé par des figures comiques issues de la tradition populaire. À la lecture, le drame peut sembler décousu. Sur scène, pourtant, la fluidité musicale et théâtrale compense largement la complexité, surtout grâce à l’approche dramaturgique de Cencic et Schofrin, qui assument la dimension carnavalesque et chatoyante de l’intrigue.

Plutôt que d’ancrer l’action dans l’Antiquité, Cencic transpose le drame dans la Venise des années 1660, miroir décadent mais somptueux de Rome. Les décors modulables d’Helmut Stürmer, dominés par le lion ailé de Saint-Marc et jusqu’à une gondole surgissant sur scène, imposent une atmosphère vénitienne immédiatement reconnaissable. Les costumes de Corina Gramosteanu, riches en textures et couleurs insolites, et les lumières raffinées de Léo Petrequin, contribuent à une esthétique où l’exubérance ne sombre jamais dans le kitsch. Cette scénographie trouve son équilibre dans le travail précis de Chiara d’Anna, spécialiste de la commedia dell’arte, qui irrigue l’ensemble de codes gestuels jubilatoires.
Un plateau vocal foisonnant

Le rôle-titre exige une autorité vocale et scénique singulière. Cencic choisit de représenter Pompée en doge vénitien vieillissant, chevelure argentée, plus statique que conquérant, mais habité d’une présence noble. Si la voix a perdu un peu de tranchant, le timbre conserve son éclat et la diction reste exemplaire.

Face à lui, Mariana Flores (Issicratea) séduit par une ligne charnue et une intensité dramatique qui compense des aigus parfois abrupts. Nicolò Balducci (Sesto) s’impose comme la révélation de la soirée : projection insolente, virtuosité pyrotechnique et sens du théâtre irrésistible, notamment dans une scène d’ivresse savoureuse. Sophie Junker (Giulia) enchante par son élégance et sa clarté de style, tandis que Valerio Contaldo (Mitridate) impose une autorité vocale naturelle, d’une noblesse presque royale.

Alois Mühlbacher, dans le double rôle de Farnace et Amore, brille par un timbre lumineux et un phrasé ductile. Victor Sicard (César) offre une incarnation robuste et sonore, tandis que Nicholas Scott (Claudio) et Valer Sabadus (Servilio) complètent le cercle césarien avec conviction. Jorge Navarro Colorado campe un Crasso énergique.

La veine comique, essentielle dans ce Cavalli tardif, repose sur deux interprètes hors pair : Kacper Szelążek, hilarant en Arpalia, vieille duègne rusée, et Marcel Beekman, truculent en Atrea, courtisane au fard outrancier. Leur duo avec Dominique Visse, impeccable en serviteur accablé, déclenche un enthousiasme communicatif. Enfin, Pierre Lenoir, Angelo Kidoniefs, Ioannis Filias et Christos Christodoulou forment un quatuor de magistrats au panache vocal certain.

À la tête de la Cappella Mediterranea, Leonardo García-Alarcón déploie une lecture souple et flamboyante de la partition. Les arias brefs, parfois fragmentaires, s’imbriquent dans une trame fluide et colorée, ponctuée de danses et de chœurs qui rappellent combien Cavalli savait séduire son public. Le chef excelle dans l’art du contraste, alternant tension dramatique et exubérance théâtrale, et obtenant de son orchestre des couleurs d’une richesse inouïe.

Trois heures d’un spectacle qui ne faiblit jamais, porté par une mise en scène inventive, une distribution vocale de haut vol et une direction musicale souveraine : Pompeo Magno s’impose comme l’un des grands événements de cette rentrée baroque. Le public, conquis, réserve une ovation debout à l’ensemble des artistes. L’ouvrage poursuivra sa route en version concertante à Genève et à Paris, promesse d’un rayonnement durable pour cette redécouverte.

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