Ni Dufay, Ni Binchois - Œuvres de Johannes Pullois - Sollazzo Ensemble, dir. Anna Danilevskaia

Ni Dufay, Ni Binchois - Œuvres de Johannes Pullois - Sollazzo Ensemble, dir. Anna Danilevskaia

Redécouverte d’un maître franco-flamand.

Passacaille
Note: 5/5

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Johannes Pullois, compositeur franco-flamand du XVe siècle, reste longtemps éclipsé par ses contemporains plus célèbres comme Dufay ou Binchois. Sollazzo, sous la direction d’Anna Danilevskaia, propose ici un album qui redonne vie à une vingtaine de pièces conservées essentiellement dans des sources italiennes. L’écoute révèle rapidement un artiste pleinement accompli, dont l’écriture polyphonique et la maîtrise mélodique rivalisent avec celles des figures majeures de la tradition franco-flamande.

Dès les premières mesures, l’auditeur est frappé par la limpidité et l’efficacité du style. Pullois suit fidèlement les formes de son temps, mais avec un art propre à susciter l’émerveillement : rondeaux, ballades et motets se déploient avec un équilibre qui souligne à la fois la rigueur technique et la musicalité des lignes. Le rondeau Quelque langage brille par sa clarté et son charme, tandis que la ballade sacrée La bonté du Saint-Esprit séduit par sa délicatesse et la sensibilité de l’interprétation.

Sollazzo se distingue par la transparence de sa polyphonie et l’équilibre de ses voix, permettant d’apprécier chaque motif, chaque contrepoint. La restitution des contrafacta, textes latins appliqués à des chansons profanes telles que Pour prison et Je ne puis, montre un souci musicologique précis : les choix reposent sur des indices stylistiques et paléographiques, et ne sont jamais arbitraires. Ces pièces offrent un exemple de la vitalité créative de l’époque et de l’ingéniosité de Pullois, capable de moduler la musique profane et sacrée avec une égale finesse.

Les rondeaux néerlandais So lanc so meer et Op eenen tijd démontrent que Pullois n’était pas un compositeur strictement codifié ; il expérimentait avec les formes et les couleurs, sans jamais perdre de vue la cohérence stylistique. Les motets mariaux, tels que Flos de spina, bénéficient d’une interprétation nuancée où chaque vers est mis en valeur, tandis que le vif Gloria en canon s’oppose au climat méditatif et serein de la séquence Victimae paschali, créant un contraste dynamique et captivant.

Si l’ensemble privilégie la clarté et la précision, il ne sacrifie jamais l’énergie et la vie des pièces. L’acoustique et le timbre des chanteurs apportent chaleur et cohésion, et chaque mouvement, qu’il soit sacré ou profane, conserve une identité propre. Certes, cette sobriété peut paraître austère aux auditeurs recherchant des effets expressifs plus flamboyants, mais elle s’inscrit parfaitement dans l’esthétique de Pullois et des maîtres franco-flamands.

Plus qu’un simple hommage, cet enregistrement constitue une véritable redécouverte, qui replace Pullois dans la dynamique de création de son temps et lui rend enfin la place qui lui revient dans l’histoire musicale. L’approche du Sollazzo Ensemble allie rigueur musicologique et musicalité vivante, offrant une lecture qui séduit autant par la précision que par l’élan poétique.

Cet enregistrement restitue avec brio l’élégance et la richesse du style de Pullois, révélant des pages d’une beauté souvent insoupçonnée. Sollazzo réussit à allier clarté polyphonique, finesse expressive et engagement stylistique, livrant un disque qui éclaire un pan méconnu du répertoire franco-flamand. Pour les mélomanes avertis, c’est une immersion indispensable dans l’univers d’un compositeur longtemps oublié mais désormais pleinement réhabilité.

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