Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris - Les Prem’s 2025, Philharmonie de Paris - Copland - Connesson - Tower - Varèse
Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris - Les Prem’s 2025, Philharmonie de Paris - Copland - Connesson - Tower - Varèse
Un voyage transatlantique en demi-teintes, couronné par l’éclat de Varèse.
Les Prem's - 10 Septembre 2025
Philharmonie de Paris
Note: 3,5/5
La première édition du festival « Les Prem’s » de la Philharmonie de Paris se clôturait avec l’Orchestre de Paris et son directeur musical Klaus Mäkelä, dans un programme original construit autour du dialogue franco-américain du XXᵉ et XXIᵉ siècles. Salle comble, ambiance électrique : l’événement promettait d’être à la hauteur des attentes. Le résultat s’est révélé contrasté, entre séductions orchestrales, faiblesses de conception et un final d’une puissance inoubliable.
Le concert s’ouvrait sur la Fanfare for the Common Man (1942) d’Aaron Copland. Portique sonore majestueux, cuivres éclatants et percussions solennelles, la pièce conserve son efficacité immédiate, mais elle est ici apparue quelque peu figée, comme prisonnière d’un dispositif plus rhétorique qu’émotionnel. La construction dramaturgique du programme, interrompue par les applaudissements avant l’œuvre suivante, accentuait ce sentiment de solennité un peu creuse.
En miroir, la seconde partie s’ouvrait sur la Fanfare for the Uncommon Woman n°1 (1987) de Joan Tower, répondant au modèle coplandien avec une vigueur plus acérée. L’écriture, tendue et rythmique, met en avant une énergie brute, soutenue par un usage incisif des percussions. Cette réplique féminine et jubilatoire a incontestablement mieux fonctionné, trouvant dans la salle Pierre Boulez un écrin acoustique idéal.
La création française des Danses concertantes de Guillaume Connesson, avec Vincent Lucas en soliste, constituait le centre de gravité de la première partie. Sept mouvements alternant vifs et lents, dans la tradition de la suite, offraient une écriture séduisante, colorée, d’une orchestration limpide où affleurent des réminiscences de Françaix ou de Ravel. La partie de flûte, exigeante, permit à Lucas de déployer une sonorité solaire et une virtuosité intacte.
Mais derrière l’éclat, une question de fond demeure : la pièce, brillante sur le plan instrumental, manque de densité thématique et d’invention rythmique. Certains auditeurs se sont laissés séduire par la fluidité et la finesse d’orchestration, d’autres ont éprouvé un certain ennui, accentué par une succession de numéros qui peinent à créer un véritable arc dramatique. Même l’engagement du soliste et la direction attentive de Mäkelä n’ont pas suffi à masquer cette impression de légèreté excessive.
Le contraste était net avec Un Américain à Paris de George Gershwin. Partition foisonnante de couleurs, riche en clins d’œil à la capitale française et en accents de jazz, elle donne traditionnellement à l’orchestre l’occasion de briller. Ce fut le cas ici : saxophones savoureux, tuba goguenard, percussion insolente, tout concourait à l’éclat.
Pourtant, la lecture de Mäkelä est restée en surface. Les rythmes syncopés manquaient de mordant, la pâte orchestrale parfois trop épaisse pour restituer le swing et la légèreté inhérents à cette musique. L’orchestre a fait preuve de panache, mais la direction n’a pas trouvé ce supplément d’ivresse qui fait décoller Gershwin.
Tout convergeait vers Amériques d’Edgard Varèse, donné dans sa version révisée de 1927. Et c’est là que le concert a pris toute sa dimension. Quinze percussionnistes, cuivres massifs, bois multipliés : l’effectif exceptionnel a transformé la scène en véritable machine sonore.
Mäkelä, jusque-là oscillant entre énergie et contrôle, s’est métamorphosé. Sa gestique, tour à tour incisive et déliée, a galvanisé l’orchestre. L’œuvre, monument d’audace et de déflagration, a jailli avec une intensité saisissante. Les blocs sonores, d’une cohésion impressionnante, alternaient avec des passages d’une transparence presque debussyste. Le crescendo central, parfaitement dosé, a mené à une apothéose sonore d’une puissance hypnotique. Public pétrifié, musiciens portés à leur paroxysme : c’est bien Varèse qui a couronné la soirée, confirmant la force visionnaire d’une partition centenaire qui n’a rien perdu de son pouvoir de fascination.
Au terme de la soirée, le portrait de Mäkelä se dessine en clair-obscur. Magnétique, expressif, presque chorégraphique dans ses gestes, il captive musiciens et public. Sa fougue peut toutefois virer à la frénésie, saturant parfois l’espace acoustique et écrasant certaines subtilités. Mais son engagement est indéniable, et lorsqu’il trouve une œuvre à sa mesure – comme Varèse – il révèle une puissance de transmission rare.
Ce concert de rentrée de l’Orchestre de Paris aura laissé une impression contrastée. Les fanfares ont ouvert avec éclat, Connesson a divisé par son manque de densité, Gershwin a séduit sans totalement convaincre. Mais tout cela fut éclipsé par l’embrasement final de Varèse, moment de grâce brutale qui restera dans les mémoires et qui, à lui seul, justifiait le déplacement.
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