Berlioz : Symphonie fantastique - Ravel : La valse - Klaus Mäkelä - Orchestre de Paris
Berlioz : Symphonie fantastique - Ravel : La valse - Klaus Mäkelä - Orchestre de Paris
Pour mélomanes avides de raffinement sonore et de lectures nouvelles ; moins pour ceux qui veulent retrouver dans Berlioz et Ravel la folie, le vertige et l’incontrôlable.
Decca Classics
Note: 3,5/5
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Il y a dans cet enregistrement une double charge symbolique. La Symphonie fantastique fut créée par l’orchestre du Conservatoire, ancêtre de l’Orchestre de Paris. Le même Orchestre grava, sous Charles Munch, son tout premier disque avec cette partition, en 1967, quelques jours seulement après sa naissance officielle. Près de soixante ans plus tard, Klaus Mäkelä, à la tête de cette phalange depuis 2021, choisit à son tour de confronter son orchestre à l’un des monuments les plus fondateurs du répertoire français.
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Il y a dans cet enregistrement une double charge symbolique. La Symphonie fantastique fut créée par l’orchestre du Conservatoire, ancêtre de l’Orchestre de Paris. Le même Orchestre grava, sous Charles Munch, son tout premier disque avec cette partition, en 1967, quelques jours seulement après sa naissance officielle. Près de soixante ans plus tard, Klaus Mäkelä, à la tête de cette phalange depuis 2021, choisit à son tour de confronter son orchestre à l’un des monuments les plus fondateurs du répertoire français.
À ce poids historique s’ajoute la confrontation avec La valse de Ravel, œuvre qui, dans son ambiguïté macabre, exige un équilibre subtil entre élégance et vertige.
La Fantastique proposée se distingue par un soin extrême apporté à la couleur et au phrasé. Les cordes, d’une homogénéité remarquable, se voient sollicitées par des nuances de vibrato, des attaques acérées, parfois jusqu’à l’excès. Certaines interventions surprennent : un trait de violon volontairement acide dans la Marche au supplice, des portamentos de cuivres inattendus, des lignes de violoncelles modelées avec un relief séduisant. Cette recherche constante produit des trouvailles fascinantes, mais aussi une impression de théâtralité calculée.
Le premier mouvement bénéficie d’un climat poétique très réussi : les pauses sont pleinement respirées, l’atmosphère brumeuse se dégage progressivement jusqu’à l’élan passionné. La Scène aux champs fait entendre de beaux dialogues de bois, parfaitement polis, même si l’on peut regretter une certaine distance expressive. Le flux des cordes graves assure au discours un socle vibrant, mais la dramaturgie globale pâtit parfois de ruptures de tension : dans le dernier tiers du Finale, par exemple, l’obsession hallucinée s’effrite au profit du travail de surface.
Le Sabbat, en revanche, convainc davantage : l’ouverture installe une atmosphère spectrale, les cloches résonnent avec majesté, les basses martèlent avec aplomb, et le col legno des cordes, bien capté, ajoute une dimension saisissante. Mais même dans ces instants, certains auditeurs ressentiront un manque de sauvagerie, une absence de cette morsure démoniaque que Berlioz appelait de ses vœux.
La Valse apporte une autre facette du chef. Ici, la construction est claire : tempo retenu, pauses inquiétantes, accentuation des bois pour renforcer la sensation d’instabilité. La progression vers le cataclysme final est menée avec cohérence, et l’implosion terminale sonne implacable. Cette vision séduira ceux qui voient dans La valse une danse qui se désagrège lentement de l’intérieur.
Mais d’autres resteront sur leur faim : là où certains chefs privilégient l’ivresse, la tourmente irrésistible, on entend ici une élégance parfois trop policée. L’angoisse ravelienne, cette valse qui vire au cauchemar, se transforme en une fresque claire et ordonnée. On admire la lisibilité, mais l’on perd en vertige.
La prise de son, réalisée dans la grande salle de la Philharmonie de Paris, est d’une clarté exemplaire. Chaque pupitre se détache, les équilibres sont nets, l’espace ample. Cet idéal de transparence, qui valorise la richesse orchestrale, accentue toutefois la sensation d’une lecture « sous contrôle », polie et domestiquée, là où certains attendent des débordements plus incontrôlables.
Cet enregistrement est révélateur d’un jeune chef au geste sûr, au goût raffiné, capable d’obtenir d’un orchestre prestigieux une cohésion sonore de premier plan. Mais l’impression générale reste ambivalente. D’un côté, une maîtrise admirable des couleurs, une construction claire, une inventivité qui fait entendre des détails nouveaux. De l’autre, un manque d’abandon, de fièvre et de déraison, tant dans la Symphonie fantastique que dans La valse, œuvres qui réclament une part d’excès.
La Fantastique de Mäkelä séduira ceux qui aiment une lecture stylisée, analytique, soucieuse du galbe instrumental. Elle frustrera ceux qui recherchent l’éruption et l’ivresse. Quant à La valse, elle illustre parfaitement cette dualité : subtile, élégante, inquiétante, mais rarement hallucinée.
Un enregistrement de haute tenue, techniquement irréprochable, esthétiquement cohérent, mais qui sacrifie l’instinct sur l’autel du contrôle.
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