Festival de Verbier 2025 - Récital Evgeny Kissin

Festival de Verbier 2025 - Récital Evgeny Kissin - Salle des Combins, 21 juillet 2025 – Verbier Festival

Ce récital, d’une tenue technique irréprochable et d’une intensité constante, s’est imposé comme l’un des moments forts du festival. On pourra discuter le Bach, trop ancré dans la sonorité romantique pour séduire les puristes, ou certains excès de projection dans Chopin. Mais l’aisance avec laquelle Kissin navigue entre lyrisme et tragédie, la profondeur de son Chostakovitch et la solidité de sa vision font de cette soirée un rendez-vous marquant. C’est un récital qui, par sa puissance et ses choix affirmés, restera gravé dans les mémoires.










Festival de Verbier 2025
Note: 4/5


Grandeur et ombres d’un récital magistral

Sous le grand chapiteau de la Salle des Combins, le public du Verbier Festival avait répondu présent pour accueillir l’un des géants du piano contemporain. Le programme choisi par Evgeny Kissin, d’une architecture savamment pensée, promettait un voyage à travers trois mondes esthétiques : l’élégance contrapuntique de Bach, la poésie incandescente de Chopin et la gravité implacable de Chostakovitch. Tout au long de la soirée, le pianiste russe a imposé sa vision avec une intensité invariable, passant d’une écriture à l’autre sans jamais perdre sa voix propre, mais au prix de choix stylistiques qui ne manqueront pas de nourrir la discussion entre mélomanes avertis.

La Partita n° 2 en ut mineur de Bach ouvrait le récital avec une Sinfonia solidement construite, au phrasé clair et à la polyphonie limpide. Kissin privilégiait la cohérence sonore du piano moderne à toute imitation du clavecin, assumant une lecture résolument romantique, dépouillée de maniérismes. L’Allemande et la Courante s’écoulaient avec une souplesse mesurée, tandis que la Sarabande, baignée d’une lenteur presque méditative, déployait une palette harmonique généreuse. Le Rondeau et le Capriccio conclusifs apportaient vivacité et énergie, mais la danse y paraissait parfois sacrifiée au profit de l’élan dramatique, confirmant que l’artiste se situe plus du côté du grand récit pianistique que de la restitution d’un style baroque historiquement informé.

Avec Chopin, l’atmosphère changeait radicalement. Les deux Nocturnes, op. 27 n° 1 et op. 32 n° 2, révélaient un cantabile profond, d’une poésie intérieure qui captait immédiatement l’attention. L’art du rubato, maîtrisé avec élégance, et l’usage discret de la pédale servaient un discours fluide, presque vocal, d’une rare tendresse. À l’inverse, le Scherzo n° 4 en mi majeur, conçu comme un véritable poème dramatique, éclatait d’énergie, la virtuosité de Kissin se déployant avec une assurance souveraine. Certains passages, portés par une projection sonore impressionnante, laissaient poindre une vigueur presque orchestrale qui, par moments, écrasait la finesse du trait. Mais la tension dramatique qui s’en dégageait emportait le public.

C’est pourtant dans l’univers de Chostakovitch que Kissin a semblé toucher au plus juste. La Sonate n° 2 en si mineur, écrite en pleine Seconde Guerre mondiale, recevait une interprétation tendue, habitée par un sentiment d’urgence. L’Allegretto initial avançait avec précision et détermination, chaque accent pesant comme une déclaration. Le Largo, au contraire, se déployait dans une gravité presque funèbre, où la densité des graves se mêlait à une ligne mélodique dépouillée de tout pathos. Dans le Moderato final, les contrastes entre ironie grinçante et éclats rageurs donnaient à l’œuvre une ambiguïté saisissante. Les deux Préludes et Fugues de l’opus 87 choisis pour compléter cette plongée dans le monde chostakovitchien confirmaient la maîtrise de Kissin dans la construction polyphonique et la gestion des climax, avec un Prélude n° 24 en ré mineur d’une intensité sombre qui sonnait presque comme un point final au programme officiel.

Les bis prirent alors des allures de postlude en trois tableaux. Le Siciliano de Bach transcrit par Kempff apporta une respiration apaisée, d’une délicatesse aérienne, presque détachée des tensions accumulées. Le Scherzo n° 2 de Chopin, offert avec une virtuosité éclatante, retrouvait l’éclat des grandes pages romantiques. Enfin, la Valse op. 64 n° 2, d’une élégance teintée d’ironie, refermait la soirée avec légèreté, comme un clin d’œil adressé à un public conquis.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Broadway Rhapsody: Cyrille Dubois & ArteCombo

Maurice Ravel – The Complete Solo Piano Works - Seong-Jin Cho

Giacomo Puccini – Tosca • Eleonora Buratto (Tosca) • Jonathan Tetelman (Cavaradossi) • Ludovic Tézier (Scarpia) • Orchestra e Coro dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia • Daniel Harding