Mendelssohn: Symphony No.3 - Lahav Shani - Rotterdam Philharmonic Orchestra

Mendelssohn: Symphony No.3 - Lahav Shani - Rotterdam Philharmonic Orchestra

Ce disque ne cherche pas l’éclat ou la réinvention à tout prix. Il propose une lecture d’une rare cohérence stylistique, qui respecte le grain, les nuances, l’équilibre propre à Mendelssohn. Pas de romantisme surjoué, pas d’orchestre boursouflé, mais un geste élégant, rigoureux, attentif à la structure comme au souffle.















Warner Classics
Note: 4,5/5


Visionner le clip vidéo
Acheter cet album
Accéder à la chaîne Altea Media I Love TV

Dans un répertoire souvent malmené par les lectures tapageuses ou trop sentimentales, la Symphonie n°3 de Mendelssohn — dite « Écossaise » — se prête mal à l’emphase ou au romantisme épais. Sa poésie procède d’une élégance formelle et d’un subtil jeu d’équilibres : ombre et lumière, retenue et élan, souvenir et narration. C’est précisément sur ce terrain que Lahav Shani construit sa vision, à la tête d’un Rotterdam Philharmonic Orchestra en constante ascension.

Dès les premières mesures de l’introduction, le chef israélien impose une respiration large et calme. La brume écossaise s’installe sans effet, sans surcharge. Loin de rechercher le choc ou l’exaltation, il donne à entendre un tissu orchestral fluide, presque chambriste, où les lignes se répondent avec une clarté remarquable. L’enchaînement vers l’Allegro un poco agitato se fait dans une logique de développement organique, jamais dans une rupture spectaculaire.

La direction privilégie le flux naturel du discours, dans une optique anti-théâtrale qui rappelle que Mendelssohn, grand lecteur de Goethe, croyait en l’unité du sentiment et de la forme. Le phrasé des bois est d’un raffinement discret mais savamment modelé. Rien ne déborde : les attaques sont souples, les articulations nettes mais jamais rigides.

L’orchestre de Rotterdam, en nette progression depuis quelques saisons, impressionne par son homogénéité. Les cordes médianes, en particulier, offrent un cantabile d’une grande plasticité. Le second mouvement (Vivace non troppo) évite les caricatures folklorisantes. Point de galop dans les Highlands ici, mais une danse élégante, bien balancée, au balancier interne rigoureusement tenu.

Shani refuse la couleur locale trop appuyée, préférant maintenir une ligne claire, presque néo-classique dans sa sobriété. Certains y verront une forme d’ascèse. D’autres une fidélité au Mendelssohn de l’Oktett et des Romances sans paroles, plus intérieur qu’on ne le croit souvent.

Le troisième mouvement, souvent noyé dans un lyrisme facile, est ici traité avec une sobriété qui frôle parfois la retenue excessive. Le tempo est mesuré, presque lent, mais cela permet aux cordes de déployer un phrasé très lié, d’un souffle constant. Les lignes secondaires, souvent négligées dans d’autres interprétations, sont ici mises en valeur avec tact. Le tout dégage une noble gravité, sans jamais sombrer dans l’affectation.

Ce n’est pas un Adagio de larmes et de soupirs, mais un chant intérieur, presque orphique, qui évite la complaisance. On pourrait souhaiter un peu plus de chaleur dans les tutti, ou davantage d’abandon dans la coda. Mais le choix de Shani reste cohérent avec sa vision globale.

Le quatrième mouvement, souvent pris à la hussarde, est ici architecturé avec soin. Le thème initial, martial, se déploie sans forcer, sans appuyer l’élément dramatique. Shani semble vouloir déjouer l’effet de peinture sonore, au profit d’une lecture plus abstraite, presque méditative. Les épisodes secondaires, plus rêveurs, sont traités avec délicatesse, comme des réminiscences. Et lorsque surgit la coda en forme de choral triomphal, elle est énoncée sans solennité excessive : la grandeur ici est discrète, intériorisée, presque classique dans son éthique.

Là encore, certains auditeurs pourraient regretter une certaine réserve, un manque de tension dramatique. Mais cela participe d’une volonté claire : désromantiser Mendelssohn, le restituer dans une lumière plus apollinienne que dionysiaque.e

En complément, on trouve une très belle lecture de l’ouverture Meeresstille und glückliche Fahrt, d’une justesse remarquable dans ses contrastes dynamiques, même si l’éclat lumineux du second volet pourrait être davantage galvanisé. Le clair-obscur reste subtil, jamais spectaculaire. Rien d’éblouissant, mais une transparence sonore exemplaire.

Enfin, la surprise vient des trois orchestrations personnelles de Romances sans paroles, réalisées par Lahav Shani lui-même. Loin du pastiche, ces adaptations révèlent un véritable sens des couleurs, un art du voilement, du fondu, du relief. La célèbre Fileuse, notamment, semble surgir de la même forêt onirique que le Songe d'une nuit d'été. C’est là peut-être, paradoxalement, que Shani prend le plus de risques artistiques — et il les réussit pleinement.

Certes, l’orchestre de Rotterdam n’a pas encore la palette ultime des Berliner ou des Viennois. Certes, l’Adagio manque peut-être d’un rien de sensualité, et le final d’un brin de feu. Mais l’ensemble est d’une tenue musicale irréprochable, et surtout, d’une profonde intelligence stylistique.

Visionner le clip vidéo
Acheter cet album
Accéder à la chaîne Altea Media I Love TV

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Broadway Rhapsody: Cyrille Dubois & ArteCombo

Maurice Ravel – The Complete Solo Piano Works - Seong-Jin Cho

Giacomo Puccini – Tosca • Eleonora Buratto (Tosca) • Jonathan Tetelman (Cavaradossi) • Ludovic Tézier (Scarpia) • Orchestra e Coro dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia • Daniel Harding