Paganini – 24 Caprices - François Sochard, violon

Paganini – 24 Caprices - François Sochard, violon

Un Paganini subtil, intériorisé, exigeant — à recommander à ceux qui cherchent autre chose qu’un simple exploit technique.















NoMadMusic NMM121
Note: 4,5/5


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L’intégrale des 24 Caprices de Paganini est toujours un événement dans la discographie violonistique. Œuvre-monument, ces pages sont à la fois terrain d’exercice, vitrine de virtuosité et révélateur de personnalité. L’approche de François Sochard se démarque d’emblée par sa singularité : elle s’affranchit des démonstrations faciles pour affirmer une vision intérieure, narrative, et étonnamment lyrique.

François Sochard prend le contrepied de la virtuosité tapageuse que l’on associe souvent à ces œuvres. Ici, rien n’est gratuit. Chaque effet est motivé par une intention musicale précise, chaque ornementation sert une ligne ou une couleur. Cette volonté de raconter, plutôt que de séduire, se manifeste par une grande attention au phrasé, par une articulation souple mais toujours intelligible, et par une expressivité constamment maîtrisée. La rigueur de l’archet et la qualité de la sonorité témoignent d’une recherche exigeante du beau son, jusque dans les passages les plus périlleux.

Il ne s’agit pas d’une lecture neutralisée pour autant. Sochard aime les contrastes, les ruptures, les inflexions dramatiques. Il n’hésite pas à ralentir certains traits, à creuser les lignes, à introduire des respirations là où d’autres déroulent le texte sans le questionner. Le caprice n°3 est un bon exemple de ce théâtre intérieur, avec ses octaves presque méditatives suivies de traits prestissimo qui conservent pourtant une articulation lisible. Dans le caprice n°9, surnommé « La Chasse », le violoniste évite l’effet de galop binaire, préférant évoquer un paysage rustique à la manière d’un tableau baroque.

L’instrument utilisé, un violon italien du XVIIIe siècle (Carlo Tononi), contribue pour beaucoup à la couleur très spécifique de cette intégrale. La richesse des graves permet une exploration approfondie des oppositions de registres, particulièrement sensibles dans les caprices n°5, 17 ou 23. Le timbre n’est jamais agressif, même dans les traits les plus incisifs. Il y a là un équilibre rare entre l’attaque et la résonance, entre le nerf et la chair du son.

L’interprète a lui-même confié que cette intégrale avait été pensée pour ses étudiants. Cela se ressent dans la structure claire de chaque caprice, dans le soin apporté à l’articulation, dans le refus du spectaculaire au profit du sens. Mais ce parti pris pédagogique ne nuit pas à l’intensité expressive. Au contraire, il donne une lecture d’une grande franchise, sans esbroufe, mais pleine de relief et de personnalité. Ce Paganini-là, loin de toute caricature démonstrative, parle, chante, parfois hésite, souvent questionne. Et c’est précisément cette humanité qui le rend passionnant.

L’approche, si elle séduit par sa cohérence, n’est pas sans limites. Dans certains caprices très acrobatiques – les n°13 et 24 notamment – la fluidité technique semble légèrement entravée par la volonté de creuser le geste musical. L’aisance pure, ce sentiment de facilité souveraine que l’on admire chez d’autres interprètes, est ici remplacée par une tension constructive. Ce n’est pas un défaut rédhibitoire, mais cela pourra surprendre ceux qui attendent une 

Cette intégrale s’impose comme l’une des plus intéressantes de ces dernières années, précisément parce qu’elle refuse la voie du consensus ou de la virtuosité brillante sans profondeur. Elle privilégie la pensée, la ligne, le relief et l’humanité. Sochard offre une vision personnelle, presque chambriste, de ces pages redoutables, où la musique reprend ses droits sur l’ostentation. Une lecture singulière, poétique, et profondément engagée.

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