J.S. Bach — Le Clavier bien tempéré, Livre II - Aaron Pilsan, piano
J.S. Bach — Le Clavier bien tempéré, Livre II - Aaron Pilsan, piano
Un Bach raffiné, limpide et superbement joué, auquel il ne manque que le zeste d’audace qui transforme les grandes lectures en versions de référence.
Alpha Classics ALPHA1034
Note: 4,5/5
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Avec ce second volet du Clavier bien tempéré, Aaron Pilsan poursuit l’exploration entamée quelques années plus tôt avec un Livre I très remarqué pour sa clarté et sa fraîcheur. À trente ans à peine, le pianiste autrichien s’attaque à l’un des sommets les plus exigeants du répertoire bachien : une œuvre où chaque prélude et fugue dessine un univers autonome, mais où l’ensemble suppose aussi une architecture mentale et stylistique de très haut niveau.
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Avec ce second volet du Clavier bien tempéré, Aaron Pilsan poursuit l’exploration entamée quelques années plus tôt avec un Livre I très remarqué pour sa clarté et sa fraîcheur. À trente ans à peine, le pianiste autrichien s’attaque à l’un des sommets les plus exigeants du répertoire bachien : une œuvre où chaque prélude et fugue dessine un univers autonome, mais où l’ensemble suppose aussi une architecture mentale et stylistique de très haut niveau.
L’approche de Pilsan repose sur une vision unifiée mais non uniforme de l’œuvre. Il lit le Livre II non comme une collection de miniatures savantes, mais comme une somme en dialogue constant avec l’histoire à venir du clavier : on y entend autant l’ombre des fils de Bach que les prémices de Haydn et Beethoven, notamment dans les préludes en formes binaires à reprises, à la construction souvent bithématique.
Dans ces pages, où la polyphonie se fait parfois plus discrète qu’auparavant, Pilsan s’attache à faire surgir les lignes cachées par une maîtrise naturelle du contrepoint et une conduite harmonique limpide. Le prélude en ré bémol majeur, par exemple, révèle une construction presque purement harmonique que l’interprète expose avec une sobriété sans fadeur. À l’inverse, dans les fugues les plus ambiguës ou déstabilisantes — comme celles en ré dièse mineur ou en sol dièse mineur —, le pianiste conserve une tension dramatique constante, évitant à la fois le piège de la démonstration académique et celui d’un esthétisme décoratif.
Le Livre II est parfois perçu, à tort, comme plus galant que son prédécesseur. Il est vrai que certaines pages adoptent le langage expressif de la première génération post-baroque : les préludes en fa mineur, sol majeur ou sol dièse mineur s’ornent d’une rhétorique plus chantante, plus affectée, parfois presque mondaine. Pilsan y répond par une lecture d’une sobriété élégante, refusant l’ironie comme l’excès d’émotion. Il chante, mais sans minauder. Il orne, mais avec retenue.
Son toucher, précis et toujours équilibré, met en valeur les qualités acoustiques d’un Steinway D accordé dans un tempérament légèrement inégal, qui apporte des couleurs tonales différenciées sans jamais verser dans l’exotisme forcé. L’égalité digitale, la souplesse du phrasé et la respiration générale du discours donnent à l’ensemble une cohérence sonore remarquable.
Dans les fugues en forme de gigue (ut dièse mineur, la mineur), la pulsation est constante, l’élan naturel, sans excès de nervosité ni raideur. Ce qui frappe ici, c’est l’impression d’aisance : la virtuosité disparaît derrière la musique elle-même, le doigté cède à la ligne, et le contrepoint ne revendique jamais son statut — il s’impose.
Si la rigueur intellectuelle et le raffinement formel de l’interprétation ne font aucun doute, un point d’équilibre semble encore à conquérir : celui de l’audace expressive, qu’on sent contenue, bridée presque. Dans certaines pages — la fugue en sol mineur, par exemple —, le discours semble hésiter à assumer la tension dramatique que le prélude avait pourtant instaurée. L’impression d’un prélude comme une ouverture à la française n’est pas prolongée jusqu’au bout dans la fugue qui suit, comme si le lien dialectique entre les deux volets restait à moitié exploré.
De même, les reprises dans les formes binaires sont légèrement ornées, mais seulement à la main droite, et de manière relativement prudente. Le choix d’arpéger certains accords, dans les préludes plus contemplatifs, enrichit la texture sans doute, mais semble parfois neutraliser la violence ou la densité de certains enchaînements harmoniques.
Et c’est peut-être là que réside la seule vraie limite de ce très bel enregistrement : la réserve expressive, noble et maîtrisée, mais qui empêche parfois la musique de Bach de jaillir dans toute sa radicalité. On aimerait, dans certains épisodes, plus d’incisivité, de contraste, de mise en danger.
Ce Clavier bien tempéré, Livre II par Aaron Pilsan s’inscrit sans conteste parmi les interprétations les plus intelligentes et les plus rigoureuses de la jeune génération. Le pianiste y affirme une vision cohérente, pensée, souvent poétique. Il fait entendre la continuité entre le Bach du Cantor et le Bach préclassique, avec une finesse peu commune.
Mais il lui reste encore un seuil à franchir : celui d’un abandon expressif qui permettrait à son art de passer de la maîtrise à l’évidence. Une marge qu’on sent toute proche, et dont on attend déjà la concrétisation dans ses futurs enregistrements.
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