Vox Feminae – Les Kapsber’girls - Œuvres de Barbara Strozzi, Francesca Caccini, Antonia Bembo, Isabella Leonarda, Francesca Campana, Lucia Quinciani

Vox Feminae - Les Kapsber’girls - Œuvres de Barbara Strozzi, Francesca Caccini, Antonia Bembo, Isabella Leonarda, Francesca Campana, Lucia Quinciani

Un disque admirablement construit et interprété, qui allie profondeur musicologique, exigence stylistique et émotion sincère. Une référence.

Alpha Classics ALPHA1098
Note : 5/5

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Avec Vox Feminae, l’ensemble Les Kapsber’girls signe bien plus qu’un simple récital baroque: c’est une déclaration d’intention, une entreprise de réhabilitation artistique menée avec finesse. Ce projet met à l’honneur des compositrices du XVIIe siècle trop souvent marginalisées, et le résultat ne tombe jamais dans le piège du didactisme ou du « disque à thème ». Tout ici respire l’intelligence musicale, la sensibilité, la cohérence stylistique.

Le programme mêle habilement œuvres vocales et instrumentales, alternant figures connues – Strozzi, Caccini – et découvertes – Quinciani, Campana –, pour mieux illustrer la richesse expressive de cette époque. Ce n’est ni un manifeste militant ni une curiosité de niche, mais une plongée convaincante dans un univers sonore oublié.

Dès les premières plages, la souplesse du phrasé, la clarté de la diction et la précision de l’ornementation frappent. Le geste musical est toujours lisible, jamais démonstratif. Le chant reste au service du verbe, dans une expressivité souvent poignante mais jamais surjouée. Certaines œuvres – comme le Lamento della Vergine de Francesca Campana – prennent une dimension théâtrale saisissante, presque monteverdienne, tant la tension dramatique est tenue de bout en bout.

Ailleurs, dans les pièces de Leonarda ou Caccini, plus légères ou contemplatives, l’élégance et la fluidité dominent. L’ensemble sait ralentir, respirer, suspendre la ligne mélodique pour laisser le texte et l’harmonie parler d’eux-mêmes.

L’accompagnement instrumental, centré sur un continuo à géométrie variable, allie densité et légèreté. Le théorbe, le clavecin, la viole de gambe et la guitare baroque se croisent avec un naturel admirable, sans jamais alourdir le discours. Chaque intervention semble pensée comme une respiration, une ponctuation dans la déclamation vocale.

La fusion entre voix et instruments est totale. Les dialogues sont fluides, les attaques précises, les dynamiques parfaitement dosées. On sent un travail collectif, une écoute mutuelle rare, qui donne à chaque pièce sa juste couleur, son relief.

Dans un programme aussi hétérogène sur le papier, il aurait été facile de perdre en unité. Or, ici, c’est l’inverse qui se produit : chaque pièce s’inscrit naturellement dans une progression dramaturgique et affective cohérente. On passe sans heurt du recueillement à la jubilation, de la plainte à la virtuosité.

La palette émotionnelle explorée est riche, variée, jamais gratuite. Ce disque, d’apparence modeste, déploie en réalité un éventail d’affects d’une rare densité. Il touche l’intellect autant que la sensibilité.

La captation sonore participe pleinement à la réussite du projet. Ni trop sèche ni noyée dans la réverbération, elle restitue à merveille la matière vocale et les timbres instrumentaux. L’auditeur est à la fois dans l’intimité de la musique de chambre et immergé dans une acoustique naturelle, enveloppante, qui fait ressortir chaque détail d’articulation.

Vox Feminae est un enregistrement d’une rare justesse. Il rend justice à des figures méconnues sans jamais verser dans l’exotisme de niche. Loin de toute volonté de surligner le propos féministe, l’album s’impose d’abord et avant tout comme un grand moment de musique baroque, servi par des interprètes inspirées, rigoureuses et sincères.

Les Kapsber’girls confirment ici leur place singulière dans le paysage musical actuel : à la fois curieuses, exigeantes, et résolument contemporaines dans leur approche des répertoires anciens. Cet album est non seulement beau, mais nécessaire.

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