Northern Light - Echoes from 17th-century Scandinavia - Ensemble Correspondances – Sébastien Daucé - Lucile Richardot, mezzo-soprano

Northern Light - Echoes from 17th-century Scandinavia -  Ensemble Correspondances – Sébastien Daucé - Lucile Richardot, mezzo-soprano

Une immersion indispensable dans une Europe musicale oubliée, révélée ici avec ferveur et grâce.















Harmonia Mundi – HMM905368
Note: 5/5




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Northern Light n’est pas une simple incursion dans un répertoire peu fréquenté : c’est une véritable cartographie poétique et sonore de la Scandinavie luthérienne du XVIIe siècle. Ce programme révèle une époque de grande effervescence musicale, nourrie par l’arrivée de musiciens allemands, italiens ou bohémiens à la cour de Suède, notamment sous le règne de Christine.

Ce disque évite l’écueil de la rareté pour la rareté. Il ne se contente pas d’aligner des pages exotiques : il propose un parcours construit, cohérent, où chaque pièce éclaire les autres. Cette approche révèle un monde sonore d’une richesse insoupçonnée, où le sacré s’exprime dans l’économie de moyens et la profondeur de l’expression.

Le répertoire convoqué alterne motets luthériens, pièces instrumentales, dialogues spirituels et lamentos funèbres. On y retrouve des œuvres de Christian Geist, Giuseppe Peranda, Johann Fischer, Sebastian Knüpfer, Vincenzo Albrici et Andreas Düben — des compositeurs aujourd’hui presque oubliés, mais ici rendus à une vie nouvelle.

Certaines pages frappent par leur pouvoir évocateur immédiat, telle Das klagende Schweden-Reich, grande méditation politique et spirituelle, ou encore Der Herr ist mein getreuer Hirt, où la tendresse du texte se fond dans un tissu polyphonique lumineux. Les œuvres instrumentales, souvent construites sur des modèles italiens, apportent un contrepoint dynamique et élégant, notamment dans les danses de Knüpfer ou les sonates d’Albrici.

Au centre de cette traversée : la voix singulière de Lucile Richardot. Timbre sombre, expressivité à fleur de peau, diction sculptée au scalpel — elle porte ce programme avec une profondeur rare. Dans les lamentos les plus dépouillés, son chant semble suspendu au silence. Elle sait aussi se faire récitante, prophétesse ou simple orante, selon les œuvres.

Son interprétation n’a rien d’anecdotique ou de décorative. Elle incarne littéralement la douleur et l’espérance qui traversent ces textes, avec un sens de la ligne et une attention au mot que peu de chanteuses baroques maîtrisent à ce niveau.

L’instrumentarium savamment équilibré — orgue positif, harpe, viole de gambe, sacqueboutes, violons, théorbe — crée un écrin de textures chaudes et raffinées. La direction de Sébastien Daucé se distingue par une lisibilité toujours parfaite, une respiration naturelle du discours, et un art subtil de la dynamique.

L’ensemble évite tout maniérisme ; ici, la rhétorique baroque ne devient jamais emphatique, elle reste au service d’une spiritualité intériorisée. Le continuo, d’une richesse constante, porte le chant sans jamais le dominer. Chaque pièce est traitée comme un petit théâtre intime, avec une tension narrative palpable, même dans les œuvres les plus statiques en apparence.

L’enregistrement restitue avec précision l’acoustique d’un lieu idéalement choisi. Les voix et instruments trouvent leur juste place, dans une image sonore tridimensionnelle et chaleureuse. Le livret, érudit sans être pédant, permet de saisir les enjeux esthétiques et historiques du projet, et contribue à en faire un objet de référence.

Ce disque n’a pas simplement pour mérite de documenter une niche musicologique. Il parvient à faire entendre une voix venue du Nord, à la fois familière et étrangère, et à en traduire la puissance intérieure. On y sent la foi, le doute, la solitude, la majesté — tous les affects que la musique du XVIIe siècle savait exprimer avec une économie bouleversante.

Malgré la rareté des compositeurs abordés, cette anthologie ne cède jamais à l’anecdotique. C’est une proposition artistique forte, nourrie d’intelligence, d’émotion et de rigueur. Un sommet discographique pour qui s’intéresse à l’âme secrète du baroque européen.

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