Édouard Lalo - Le Roi d’Ys - Judith van Wanroij, Kate Aldrich, Cyrille Dubois, Jérôme Boutillier, Nicolas Courjal, Christian Helmer Hungarian National Philharmonic Orchestra & Choir – György Vashegyi
Édouard Lalo - Le Roi d’Ys - Judith van Wanroij, Kate Aldrich, Cyrille Dubois, Jérôme Boutillier, Nicolas Courjal, Christian Helmer
Hungarian National Philharmonic Orchestra & Choir - György Vashegyi
Une référence moderne, intellectuellement irréprochable, artistiquement convaincante, parfois trop mesurée pour faire vibrer pleinement la tragédie d’Ys. Mais un jalon incontournable dans l’histoire discographique de Lalo.
Bru Zane BZ 1060 (3 CD)
Note : 4/5
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Dans le sillage des résurrections opérées par le Palazzetto Bru Zane, Le Roi d’Ys d’Édouard Lalo trouve enfin une version discographique moderne digne de sa stature potentielle. Cet opéra de 1888, souvent réduit à quelques pages orchestrales brillantes ou à l’Aubade de Mylio, souffrait d’un paradoxe cruel : connu mais ignoré, représenté épisodiquement, absent du répertoire courant malgré un livret efficace, une orchestration ciselée et une tension dramatique rarement démentie. Cette nouvelle parution corrige l’oubli avec rigueur, mais aussi avec une certaine retenue qui soulève des questions.
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Dans le sillage des résurrections opérées par le Palazzetto Bru Zane, Le Roi d’Ys d’Édouard Lalo trouve enfin une version discographique moderne digne de sa stature potentielle. Cet opéra de 1888, souvent réduit à quelques pages orchestrales brillantes ou à l’Aubade de Mylio, souffrait d’un paradoxe cruel : connu mais ignoré, représenté épisodiquement, absent du répertoire courant malgré un livret efficace, une orchestration ciselée et une tension dramatique rarement démentie. Cette nouvelle parution corrige l’oubli avec rigueur, mais aussi avec une certaine retenue qui soulève des questions.
Inspirée d’une légende bretonne aussi poétique qu’apocalyptique – celle de la cité d’Ys engloutie sous les flots à la suite d’un acte de trahison –, la partition de Lalo se caractérise par une densité dramatique peu commune. L’écriture vocale oppose frontalement deux figures féminines : la lumineuse Rozenn et l’obsessionnelle Margared. Toutes deux aiment le même homme, le soldat Mylio, mais seule la première est aimée en retour. Margared, consumée par le ressentiment, provoque la chute de la cité en s’alliant à Karnac, le chef ennemi.
Loin de tout sentimentalisme, Lalo construit son opéra comme une mécanique de tension : rythmes martelés, harmonies sombres, usage dramatique du chœur, arcs mélodiques brisés. L’influence wagnérienne, perceptible mais jamais servile, colore surtout l’écriture orchestrale – notamment dans les scènes de guerre – sans jamais imposer une construction symphonique à l’allemande. Lalo reste français : direct, concis, narratif.
György Vashegyi aborde cette œuvre avec la même minutie qu’il apporte à ses relectures du grand répertoire romantique français. Son approche est d’abord architecturale : clarté des plans, respiration des masses chorales, équilibre orchestral. L’élan dramatique, en revanche, s’en trouve parfois bridé. Là où l’œuvre exige de l’abandon, de la fulgurance, le chef hongrois privilégie la maîtrise, la ligne, la mise en lumière du contrepoint plus que l’incandescence scénique.
Cela étant dit, l’orchestre national hongrois, d’une belle cohésion, se montre convaincant dans tous les pupitres. Les cuivres impressionnent par leur autorité, tandis que les bois se distinguent par leur élégance et leur précision dans les passages les plus raffinés. Le chœur, fort sollicité dans cette partition, se révèle solide, tant dans la jubilation collective (scène de noces) que dans les appels martiaux ou les imprécations vengeresses.
La distribution réunie ici affiche un niveau global élevé, avec des individualités marquées. Le Mylio de Cyrille Dubois s’impose sans difficulté : timbre pur, projection naturelle, phrasé souple, et surtout une capacité rare à alléger dans l’aigu, jusqu’à des pianissimi délicats et expressifs. Son Aubade devient ici un vrai moment de grâce. S’il manque parfois de poids dans les appels aux armes, la noblesse et la sensibilité de son incarnation font oublier cette relative légèreté.
Face à lui, Judith van Wanroij campe une Rozenn sans fadeur : voix claire, diction nette, intensité mesurée mais ferme, elle évite le piège d’une héroïne passive. Elle sait faire face aux assauts vocaux et dramatiques de Kate Aldrich, Margared à la présence scénique évidente. L’américaine, dans un rôle qui exige autant de projection que d’introspection, se montre puissante, mordante, engagée – parfois au prix d’une articulation imparfaite ou d’un vibrato instable, mais toujours habitée. On pourra regretter l’absence de cette dimension tragique froide, implacable, que d’autres chanteuses ont su conférer à ce rôle, mais l’impact est réel.
Jérôme Boutillier est un Karnac de premier plan : voix sombre, articulation expressive, incarnation pleinement théâtrale. Moins impressionnant, Nicolas Courjal (le roi d’Ys) traverse son rôle avec dignité mais une émission parfois couverte et une autorité inégale. Christian Helmer complète l’ensemble avec sérieux.
Comme à son habitude, le Palazzetto Bru Zane soigne jusqu’au moindre détail. La présentation est luxueuse, la notice analytique abondamment illustrée et nourrie, l’iconographie rare. Le livret, bilingue, permet un suivi optimal, indispensable dans une œuvre où l’intelligibilité textuelle compte autant que l’impact orchestral. Ce soin éditorial renforce la portée de cette résurrection, qui dépasse le cadre strictement musical.
Conclusion : un monument retrouvé, mais pas entièrement habité
Cette nouvelle version de Roi d’Ys est précieuse, nécessaire, probablement définitive sur le plan documentaire et éditorial. Sur le plan purement musical, elle impressionne par son sérieux, sa cohérence, et l’excellence de plusieurs de ses protagonistes. Mais à force de contrôle, l’émotion dramatique peine parfois à jaillir avec la force brute que certains moments de l’œuvre réclament. Le feu couve, mais brûle rarement.
Il n’en reste pas moins que cette lecture place enfin l’œuvre de Lalo au cœur du répertoire lyrique français, dans une restitution qui saura séduire les curieux comme les passionnés.
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