Dmitri Chostakovitch - Concertos pour piano n°1 & n°2, pièces pour piano seul Yuja Wang – Boston Symphony Orchestra – direction : Andris Nelsons
Dmitri Chostakovitch - Concertos pour piano n°1 & n°2, pièces pour piano seul
Yuja Wang – Boston Symphony Orchestra – direction : Andris Nelsons
Un enregistrement d’une grande intelligence musicale, servi par une équipe au sommet de sa maturité artistique. Les puristes du Chostakovitch rugueux y verront peut-être une version trop sage. Mais ceux qui cherchent un équilibre entre le fond et la forme y trouveront un modèle d’élégance moderne.
Deutsche Grammophon
Note : 4,5/5
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On attendait beaucoup de la rencontre entre Yuja Wang et Chostakovitch, compositeur dont le double langage — entre ironie grinçante et lyrisme blessé — demande une intelligence musicale aussi fine que des moyens techniques étourdissants. Le présent enregistrement, réunissant les deux concertos pour piano et une sélection d’œuvres pour piano seul, répond à ces attentes avec un mélange d’élégance, de précision et d’interprétation collective remarquablement assumée.
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On attendait beaucoup de la rencontre entre Yuja Wang et Chostakovitch, compositeur dont le double langage — entre ironie grinçante et lyrisme blessé — demande une intelligence musicale aussi fine que des moyens techniques étourdissants. Le présent enregistrement, réunissant les deux concertos pour piano et une sélection d’œuvres pour piano seul, répond à ces attentes avec un mélange d’élégance, de précision et d’interprétation collective remarquablement assumée.
Dès les premières mesures du Concerto n°1, le ton est donné : non pas un Chostakovitch brutal ou déchaîné, mais un Chostakovitch chambriste, presque mozartien par moments, où le piano n’écrase pas l’orchestre, mais s’y fond dans une conversation dynamique et constamment renouvelée. Yuja Wang fait preuve d’un jeu nerveux, ciselé, sans effet appuyé, avec une clarté rythmique exceptionnelle. Le trompettiste soliste, Thomas Rolfs, n’est jamais réduit à un rôle ornemental — la pianiste sait se retirer pour le laisser porter la ligne, notamment dans l’Allegro moderato, où elle devient accompagnatrice avec une sobriété remarquable.
Cette approche, fondée sur l’échange, culmine dans un final où chaque accent, chaque respiration semble pensé collectivement. Plutôt que de miser sur une débauche d’énergie ou une démonstration explosive, le trio Wang/Nelsons/BSO opte pour un humour contrôlé, presque pince-sans-rire, qui confère à la partition un raffinement rarement entendu. On s’éloigne ainsi de certaines lectures plus expressionnistes ou agressives, pour privilégier la lucidité mordante sur la brutalité extériorisée.
Le Concerto n°2 poursuit cette logique de clarté. Wang adopte une posture d’inclusion dans la texture orchestrale, épousant les mouvements, dialoguant avec les bois dans le premier mouvement, construisant avec Nelsons des crescendos tout en finesse, jamais démonstratifs. L’Andante est un sommet d’élégance suspendue, d’une souplesse presque vocale dans le legato du registre aigu. Le final, mené à tempo rapide, ne sacrifie jamais l’articulation à l’énergie : l’équilibre entre légèreté et tension est ici exemplaire.
Cette orientation chambriste pourra déconcerter les amateurs d’un Chostakovitch plus abrasif. Les interprétations de ces concertos où le sarcasme affleure sous une couche de vernis fragile peuvent ici sembler trop bien polies, presque « trop belles ». Mais à la réécoute, la profondeur de cette conception, fondée sur l’écoute mutuelle, la respiration commune et un contrôle millimétré du phrasé, s’impose comme un choix artistique fort — et cohérent.
La seconde partie de l’album, consacrée à une sélection de Préludes et Fugues (Op. 87) et de Préludes (Op. 34), est plus disparate. Wang y applique les mêmes principes de clarté et de vivacité. Le Prélude en fa dièse mineur, par exemple, est rendu avec une insouciance aérienne parfaitement assumée. Mais cette légèreté vire parfois à l’esquive : l’absence de la fugue qui suit prive l’auditeur d’un contrepoint essentiel, tant sur le plan formel que dramatique.
Le Prélude et fugue en ré bémol majeur frappe par son élan, mais souffre d’une montée en puissance trop rapide. Le climax semble atteint prématurément, et l’architecture propre à ces pièces, conçues pour se déployer lentement, se trouve un peu aplatie. Wang semble ici trop pressée d’arriver au sommet, sans toujours laisser au discours le temps de respirer ou d’évoluer.
À l’inverse, certains moments de grâce affleurent dans les textures les plus simples : le Prélude en la mineur, presque harpe dans son toucher, révèle une autre facette de la pianiste — celle de l’architecte des silences. Mais globalement, l’interprétation des œuvres pour piano seul laisse l’impression d’un terrain moins creusé émotionnellement que les concertos. Ce qui était conversation devient parfois monologue.
Ce disque n’est pas une démonstration de force, ni une relecture subversive. C’est un travail d’équilibre, de mesure et de respiration commune. Les concertos, qui forment le cœur de l’enregistrement, brillent par une compréhension intime de l’écriture de Chostakovitch, où le grotesque ne chasse jamais le raffinement, et où l’humour noir est suggéré plutôt qu’imposé.
La virtuosité de Yuja Wang est toujours là — infaillible, radieuse — mais elle ne prend jamais le pas sur la structure. Et c’est peut-être là sa plus grande réussite : faire oublier l’exploit technique pour nous faire entendre la musique seule, dans ce qu’elle a de plus vivant, de plus ambigu et de plus profondément humain.
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