David Kadouch – "Amours interdites" - Hahn, Landowska, Poulenc, Smyth, Szymanowski, Tchaïkovski/Grainger / Trenet

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David Kadouch signe ici un enregistrement qui, s’il peut déconcerter par la diversité des œuvres, convainc par son engagement et sa sensibilité. Loin d’un simple exercice de style, il donne chair à ces amours interdites, sans excès de pathos ni surinterprétation. Certaines pièces auraient mérité plus d’incandescence, mais la délicatesse du toucher et la beauté du timbre confèrent à l’ensemble une indéniable profondeur poétique.














Mirare MIR708
Note : 4/5


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La musique a souvent été le refuge des émotions indicibles, un langage parallèle pour exprimer ce que les conventions sociales refusaient d'entendre. Avec
Amours interdites, David Kadouch propose un programme audacieux, explorant le répertoire de compositeurs ayant dû dissimuler ou taire leur orientation sexuelle. Ce choix, bien que pertinent historiquement et émotionnellement, soulève une question : le concept suffit-il à donner une réelle unité musicale à l’ensemble ?

Loin d’un simple enchaînement de pièces, l’album dévoile un éventail de sensibilités. On y trouve des pages d’un lyrisme intime comme l’Improvisation n°15 de Poulenc, hommage poignant à Edith Piaf, ou le Nocturne d’Ethel Smyth, d’une tendresse rare. À l’opposé, la Paraphrase de Percy Grainger sur la Valse des fleurs de Tchaïkovski s’affirme dans une exubérance débridée qui peut surprendre dans ce contexte. Le Feu follet de Wanda Landowska, d’une énergie bondissante, tranche également avec la mélancolie introspective qui caractérise d’autres morceaux du programme.

Ce choix d’alternance entre retenue et effusion confère à l’ensemble une dynamique intéressante mais parfois contrastée au point de sembler hétérogène. Si la thématique d’ensemble est forte, l’articulation musicale entre ces œuvres n’est pas toujours évidente. Il en résulte un album qui fascine par la diversité des couleurs mais dont la progression dramatique laisse parfois perplexe.

David Kadouch est un interprète raffiné, au toucher subtil et à la sonorité d’une clarté remarquable. Il évite tout pathos excessif dans Poulenc et Hahn, préférant une approche fluide et naturelle, loin de toute surcharge expressive. Ses phrasés dans les Décrets indolents du hasard de Hahn (ici transcrits pour piano seul par ses soins) révèlent une finesse de trait qui souligne la langueur élégante de la partition sans l’alourdir.

Dans les pièces plus denses harmoniquement, comme les Variations de Szymanowski, il privilégie une approche souple et chantante, mettant en avant la sensualité des modulations. 

Dans le Feu follet de Landowska, pièce vive et capricieuse, il manque peut-être un grain de folie, une urgence qui aurait renforcé l’effet d’instabilité voulu par la compositrice. De même, la Paraphrase de Grainger aurait pu gagner en excentricité, en ce jeu de clins d’œil qu’affectionnait son auteur.

En revanche, dans le Nocturne d’Ethel Smyth, il atteint une justesse émotionnelle remarquable, distillant chaque nuance avec une pudeur touchante. Le travail sur les sonorités dans la main gauche y est particulièrement frappant, donnant à la ligne mélodique une profondeur inhabituelle.

L’ensemble de l’album est porté par une belle cohérence sonore : l’ingénierie de Mirare met en valeur le jeu de Kadouch avec un équilibre parfait entre clarté et résonance. On sent que le pianiste a cherché à rendre hommage aux compositeurs sans tomber dans une démonstration trop appuyée de leur "confession" musicale.

Si certaines pièces semblent moins convaincantes dans ce contexte, notamment celles de Grainger et Landowska, d’autres trouvent ici un éclat nouveau. La conclusion avec En avril à Paris de Charles Trenet (dans l’arrangement d’Alexis Weissenberg) est un moment suspendu, empreint d’une douce nostalgie, comme une cigarette fumée à la fenêtre avant que la nuit ne s’évanouisse.

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