Camille Erlanger, La Sorcière Guillaume Tourniaire - Orchestre et Chœur de la Haute École de Musique de Genève
Camille Erlanger, La Sorcière
Guillaume Tourniaire - Orchestre et Chœur de la Haute École de Musique de Genève
Un enregistrement d’une qualité rare, qui séduira les amateurs d’opéras oubliés et les fervents défenseurs du patrimoine musical français.
B Records
Note : 4,5/5
Depuis sa création en 1903 à l’Opéra-Comique, La Sorcière de Camille Erlanger, opéra méconnu mais ambitieux, attendait une résurrection digne de ce nom. Ce nouvel enregistrement, dirigé par Guillaume Tourniaire, relève le défi avec éclat, nous offrant une interprétation captivante et un témoignage historique précieux.
L’œuvre, ancrée dans l’Espagne médiévale, mélange passions amoureuses, trahisons politiques et drame mystique. Le livret d’André Sardou, bien que parfois verbeux, offre un écrin idéal pour la musique d’Erlanger, qui mêle une riche orchestration à des influences hispaniques et orientalisantes. La direction de Guillaume Tourniaire met en lumière les subtilités de cette partition injustement oubliée.
Sous sa baguette, l’Orchestre de la Haute École de Musique de Genève révèle une palette sonore impressionnante, alternant entre moments d’intimité et explosions dramatiques. Le chœur, également issu de cette prestigieuse institution, fait preuve d’une remarquable cohésion, particulièrement dans les grands ensembles du troisième acte.
Le rôle de Zoraya, figure centrale et complexe, trouve en Andreea Soare une interprète idéale. Son soprano, à la fois lumineux et chargé d’émotion, donne vie à cette héroïne déchirée entre amour et vengeance. Jean-François Borras, en Don Enrique, déploie un ténor héroïque et ardent, bien qu’une certaine rigidité dans les nuances puisse être relevée à certains moments.
Lionel Lhote incarne un Ximénès aux accents virils, sa voix barytonnante s'imposant avec autorité. Marie-Eve Munger, dans le rôle de la jeune Afrida, enchante par ses aigus cristallins, qui apportent une touche de fraîcheur bienvenue à l’ensemble. Alexandre Duhamel, quant à lui, campe un Padilla d’une noble gravité, renforçant les tensions dramatiques.
Les rôles secondaires, nombreux et parfois très brefs, bénéficient d’un soin particulier. Mention spéciale à Sofie Garcia (Manuela) et à Carine Séchaye (Aïcha), dont les interventions laissent une forte impression.
B Records, fidèle à sa réputation, livre une captation d’une grande clarté. La spatialisation permet de savourer la richesse de l’orchestration d’Erlanger, tout en préservant l’équilibre avec les voix. Chaque détail instrumental, du scintillement des cordes aux interventions cuivrées, est mis en valeur avec une précision chirurgicale.
Conclusion : une redécouverte magistrale
Avec cette interprétation soignée et inspirée, Guillaume Tourniaire et son équipe redonnent à La Sorcière la place qu’elle mérite dans le répertoire français. Si quelques passages du livret peuvent sembler datés, la force dramatique et la richesse musicale de l’œuvre demeurent indéniables. Cet enregistrement constitue non seulement une redécouverte essentielle pour les mélomanes, mais aussi un hommage vibrant à un compositeur trop longtemps relégué à l’ombre de ses contemporains.
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